Les interstices de Frédéric Stucin - Rencontre Publique 2023 à strasbourg / Rencontres
Evènement passé.
Le samedi 21 janvier 2023 à strasbourg (67).
'Naissance d'un projet dans un milieu fermé' : participez à la rencontre publique animée par Brigitte Patient, en présence du photographe Frédéric Stucin ; de Patrick Delat, directeur de la Villa Pérochon ; Emilie Gautier, infirmière à l'hôpital psychiatrique de Niort Eric Bard ; infirmier à l'hôpital psychiatrique de Niort ; Cédric Suire, patient et Nathalie Micou, patiente.
Pour découvrir la nouvelle exposition, rendez-vous sur https://www.stimultania.org/les-interstices-de-frederic-stucin/ !
Sur les baies vitrées en rotonde de La P'tite Cafète, les visages pâles du matin se reflètent. La nuit d'hiver, encore noire, a changé les vitres en miroirs, enfermé dans un cocon hors du temps le bar et ses occupants. S'y réverbèrent aussi le comptoir, le ventre rond d'Eric L., son sourire, sa casquette, Martin qui s'affaire, ses mouvements concentrés pour vider le lave-vaisselle, remplir le percolateur. Il est huit heures, infirmiers et patients se lèvent avant le soleil. Le petit-déjeuner le moins cher de France ' un euro les tartines, jus d'orange et boisson chaude ' a ses habitués que ni le froid bruineux du dehors, ni le labyrinthe des bâtiments massifs de l'hôpital n'arrête.
Ondine Millot.
Extrait du livre « Les Interstices » de Frédéric Stucin, Filigranes éditions.
Si les mots manquent, pourquoi ne pas inventer un peu ? Frédéric Stucin avait décidé de passer le check-point deux années auparavant. Il ne sait plus si le taxi n'avait pas voulu s'aventurer en zone 3 ou s'il avait lui-même choisi de faire, chaque mois, les derniers mètres à pied. Zem souhaitait quitter le dôme climatique et le peuple indifférent ; pour Frédéric il s'agissait peut-être simplement de rencontrer d'autres, qui pouvaient aussi être les siens. Il avait répondu à l'étrange défi de la Villa Pérochon. Avait été désigné par les usagers d'une cafète. Le bar et les gens lui étaient rapidement devenus familiers. Ils étaient voisins après tout et les habitants de la zone 3 étaient libres d'aller et venir. De parler (même si parfois les mots manquent). Je sens parfois que je me débats avec une partie de mon cerveau qui me ramène sans cesse une musique qui me dérange.
Entrons donc à sa suite dans ces décors gris ' où seul Jacques Tati aurait pu faire une pirouette. Je sens que l'on aimerait voir dans le noir comme les chats. Approchons de ces visages familiers. Je sens par moments que je pourrais tomber. Tomber d'une chute que je n'aurais encore jamais faite. Je me demande si je pourrais m'en relever. Pour les autres chutes, je sais. Approchons encore. Asseyons-nous au bar. Goûtons au sirop au kiwi, caramel ou orgeat pendant qu'Ondine Millot nous raconte Vanceslas, les yeux de Jean-Luc, Sarah, l'Autriche, le Bic bleu d'Auguste, le champion de fléchettes et le brushing de Colette. Les bateaux aux Antilles, les cafés serrés. Je sens ça encore mieux si je ferme les yeux. La zone 3 est grise, certes, mais le gris est chaud comme celui des abeilles. Au milieu de l'exposition, nous sommes nous aussi dans un interstice. Nous comprenons tout. Frédéric Stucin a pu s'y sentir bien ; peut-être avait-il aussi des yeux de chat. Je sens qu'on est parfois déçu de n'être pas un chat.
Céline Duval
Les citations sont extraites de « Je sens » d'Ito Naga, chez Cheyne éditeur.
Débute à 16H00
33 rue Kageneck, 67000 Strasbourg
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